Soigner

Edito - L’art du cinéma n°102

par L’art du cinéma

Si nous avons choisi pour thème de ce numéro l’acte de soigner, qui fait l’objet d’un grand nombre de films, ce n’est pas seulement parce que l’actualité en a rappelé l’importance cruciale, c’est aussi qu’il s’agit d’une question collective, qui relève d’une pensée globale de la santé et de la maladie : nous sommes tous responsables de notre santé.
Le cinéma participe aussi à cette pensée, notamment par une lutte active contre l’obscurantisme qui encombre l’humanité, encore aujourd’hui sous ses formes les plus toxiques comme l’opposition aux vaccins, plus de deux siècles après leur découverte.
Plus spécifiquement, les films procèdent à une désacralisation (qui est le contraire d’une dépréciation) du métier de médecin : de même qu’une découverte médicale peut être faite par un non-médecin (l’exemple de Pasteur en est le plus célèbre, mais la question est soulevée dans The Citadel), un juste diagnostic peut être suggéré par une vieille dame expérimentée (Doctor Bull) ; soigner peut être le fait d’une fillette (Postmaster), d’un pharmacien (La pharmacie n°3) ou d’une interne (Les innocentes).
En même temps, les films donnent la mesure de la portée considérable de ce travail où les cas peuvent être une question de vie ou de mort : un diagnostic erroné, suivi d’une mauvaise prescription, met en danger la vie du patient (Men in White). La mort fait partie intégrante du champ de la médecine, il s’agit toujours de lutter contre elle (Arrowsmith, Seven Women, Le duel silencieux).
Tous ces films sur la médecine insistent sur le fait que les soignants donnent sans compter tout leur temps, souvent au détriment de leur vie privée, à tous ceux qui en ont besoin, à égalité et dans des relations de confiance mutuelle. Mais la pratique des soins est inséparable d’une recherche permanente, condition de toute avancée médicale (Arrowsmith, Doctor Bull, The Citadel), de même que la transmission de ses résultats.
Par ailleurs, on remarque, notamment dans les films situés dans l’immédiat après-guerre (Le duel silencieux, Les innocentes), que l’état de la médecine est révélateur de l’état du pays ; de façon moins directe, c’est aussi le cas dans Postmaster, La tête contre les murs, Seven Women ou La pharmacie. Cette vérité fait encore ses preuves dans la situation actuelle…
Enfin, last but not least, le lucre est incompatible avec l’exercice de la médecine, et les films dont il sera question ici ne se privent pas de rappeler que l’argent est, comme ailleurs, le principal agent de corruption du métier. Il y en a d’autres : la soif du pouvoir ou l’égoïsme forcené, comme le montrent les deux films de Franju, "professeurs par l’exemple négatif".
Il n’y a que deux voies : l’intérêt ou l’humanité.

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