Manoel de Oliveira (1908-2015)

Hommage - L’art du cinéma n°90

par Denis Lévy

Depuis la sortie en France des films de Manoel de Oliveira, dans les années 1970, nous avons admiré leur prodigieuse et singulière modernité. Cette admiration s’est concrétisée par une rencontre et un entretien stimulant entre le cinéaste et un groupe de cinéphiles et d’étudiants en cinéma, à l’issue duquel il avait lancé une invitation à assister au tournage de son prochain film, Le soulier de satin. Lorsque, au début de l’été 1985, deux d’entre nous se rendirent à Lisbonne pour répondre à cette invitation, ils n’imaginaient pas la stupéfaction qu’allait susciter auprès de son équipe leur présence pourtant discrète. On leur apprit en effet qu’ils étaient les premiers à bénéficier d’une telle faveur, le cinéaste ayant toujours refusé tout regard extérieur sur son plateau.

Quelques années plus tard, Manoel de Oliveira nous fit à nouveau un grand honneur : celui d’assister à la soirée d’inauguration de L’art du cinéma, le 29 mars 1993, au cours de laquelle était projeté son film Mon cas, qui faisait l’objet d’un article dans notre premier numéro. Il était naturel que nous rendions hommage à ce parrainage en publiant en 1998, à l’occasion des 90 ans du cinéaste, un numéro entièrement consacré à son œuvre, sous la forme d’une filmographie commentée – numéro qu’il distribua à l’équipe du film qu’il tournait alors, La lettre.

Nous avons consacré, depuis, d’autres articles à ses films, notamment récemment L’étrange cas Angélica et Christophe Colomb, l’énigme. On comprendra donc à quel point sa disparition nous affecte profondément, d’autant plus que son exceptionnelle vitalité avait fini par nous le faire croire immortel – et il l’est, en vérité, par son œuvre. En attendant un hommage plus conséquent, que ce numéro soit dédié à sa mémoire, lui qui osa pousser le romanesque cinématographique à son comble en présentant dans un film le texte intégral du roman de Camilo Castelo Branco Amour de perdition.