Premier contact (Denis Villeneuve, 2016)

par Charles Foulon

Arrival est un film de science-fiction qui reprend le thème cliché de la venue sur Terre d’extraterrestres, eux-mêmes montrés comme des clichés – ce sont, dans tous les sens du terme, des "aliens" –, mais construit un type de spectaculaire inédit, maintenant à distance par le conte le drame hystérisé d’ordinaire rattaché à cette typologie du genre. Car la question qui va prendre la place centrale de l’intrigue est celle de la langue de l’autre : d’abord est-ce une langue, de quel type, et comment l’apprendre ? Ainsi, le temps de l’apprentissage du système de pensée des aliens installe, par le calme des deux personnages principaux, Louise (Amy Adams) et Ian (Jeremy Renner), une temporalité inhabituelle. On est très loin de Rencontre du troisième type, quasiment à l’opposé puisqu’ici, la langue est prise au sérieux, considérée "de manière mathématique" (Ian, physicien, précise que c’est un compliment). La langue des aliens, langue-peinture, faite de cercles rarement fermés, tous différents, complexes, dessinés comme à l’encre de chine, fluides, aériens, aquatiques et flottants, est une langue-pensée vivante, construite dans le rapport au temps, une "peinture mathématique" pour tous qui s’avèrera offre universelle.

En lien avec cette langue-pensée, le film insiste sur le deux, comme s’il pensait directement la question de la dialectique : deux mondes, les humains et les aliens ; deux aliens surnommés avec tendresse "Abbott and Costello" ; deux chercheurs, une femme linguiste et un homme physicien donc ; deux manières d’appréhender l’autre, menaçante ou non ; deux gravités (au sens physique du terme) qui obligent les personnages à matériellement changer de perspective ; deux manières de considérer le temps, linéaire ou cyclique, figurées en deux temporalités, où la continuité est disposée nouvellement par le pouvoir du cinéma ; deux types d’émotions dans la rencontre, la panique des foules d’un côté, le calme des chercheurs de l’autre (dispositions sécuritaires de l’Etat contre patience de la pensée) ; deux manières d’interpréter, enfin, et de traduire les signes ou idéogrammes, comme par exemple les deux traductions du mot "weapon" ("outil" ou "arme" : construction ou destruction) ; et deux qui, au bout du compte, articule deux chemins possibles pour la vie de chacun, personnages comme spectateurs.