Othon (1970) de Jean-Marie Straub

par Dimitra Panopoulos

Élucidation des thèses d’André Bazin : [1] à propos du décor et du sujet.

Les yeux ne veulent pas en tout temps se
fermer ou : Peut-être qu’un jour
Rome se permettra de choisir à son tour.

L’EQUIVALENCE INTEGRALE, REQUISIT DE BAZIN POUR L’ART DU CINEMA

Pour reprendre aujourd’hui la catégorie d’impur, il importe d’en repasser par Bazin. C’est en effet à Bazin que revient le mérite d’avoir introduit ce terme dans la pensée du cinéma comme art et produit les premiers arguments qui lui confèrent une dimension militante. “Pour un cinéma impur” en donne quelques traits (“Théâtre et cinéma” les développe, qui fait également partie de Qu’est-ce que le cinéma ?). Avec ce texte, Bazin intervient dans la polémique sur l’adaptation.

Initialement, cette polémique oppose l’adaptation au scénario original et identifie l’adaptation soit comme une subordination du cinéma aux autres arts, soit comme une concurrence du cinéma au regard des autres arts. D’emblée, Bazin discerne qu’il ne s’agit là que d’une cote mal taillée : il faut recentrer la polémique sur le cinéma lui-même : son impureté native est ce dont il faudra répondre. On peut tout de suite distinguer deux voies opposées de l’adaptation. La première, qui semble la plus partagée et aussi la plus académisante : celle qui prétend s’inspirer d’une œuvre tout en la tenant pour caution de l’adaptation. A ce mixte d’inspiration et de caution, Bazin oppose une idée de l’adaptation qui se fonde sur la traduction et qui ne tolère pas le mot-à-mot mais s’efforce à “l’équivalence intégrale” [2].

Ce n’est pas de l’ordinaire influence réciproque des arts que le cinéma tient son impureté. L’influence de l’art voisin dominant est une loi constante qui ne rend pas compte de l’appropriation si singulière dont est capable le cinéma à l’égard d’un autre art, quelle que soit son apparente proximité au cinéma.
Car le cinéma ne se rapporte jamais aux autres arts qu’en tant qu’il en est lui-même le “plus-un” [3]. Il n’y a pas sens à traiter du cinéma en termes de cinéma “pur”, on ne peut lui supposer cette autarcie.

Bazin rappelle que sous l’estampille “cinéma pur”, on ignore parfois paradoxalement certains des aspects les plus frappants du “théâtre cinématographique”, “à commencer par la comédie américaine” [4], qui prend sa source dans le théâtre de boulevard. Bazin rappelle aussi ce cas particulier et extrême, le burlesque, qui hérite en brut de la farce et de la commedia dell’arte : genres abandonnés au théâtre et que le cinéma réinvente et continue.

Mais Bazin ne cite ces exemples d’impureté manifeste et originelle (originelle en ce qu’elle est décelable dès le muet et ne peut être assignée à l’apparition du parlant) que pour mieux polémiquer sur les formes d’adaptation dont il est le contemporain et qu’il distingue des emprunts et pillages primitifs. L’enjeu qu’il assigne à cette forme nouvelle de l’adaptation correspond pour lui à une maturité du cinéma.

Cependant, gardons à l’esprit que la maturité que Bazin suppose au cinéma dans l’affirmation de son impureté est celle du réalisme et de son hégémonie. Bazin, à son époque, peut encore associer cette maturité à l’entrée de plain pied dans l’âge du scénario. Cet âge du scénario étant entendu comme ce qui confirme et cristallise “un renversement du rapport entre le fond et la forme”, où “la forme plus déterminée par la matière, plus nécessaire et plus subtile” [5] fait droit plus que jamais à la transparence. Cette supposition implicite mais néanmoins absolue d’une hégémonie du réalisme comme critère de l’art du cinéma entrave la caractérisation et la pensée strictement théorique de la notion d’impureté dans l’acception à nos yeux plus radicale qu’il est possible d’en avoir aujourd’hui. Les films de la modernité manquaient encore, qui objectent désormais à cette hégémonie de la catégorie de réalisme que sert l’effet de transparence.
Néanmoins Bazin s’échine à penser cette impureté comme essentielle au cinéma, fût-ce de façon contradictoire à sa théorie du réalisme. Il y suppose un idéal d’équivalence intégrale, à raison des “différences de structures esthétiques (qui) rendent plus délicate la recherche” d’une telle équivalence, et exigent plus encore “d’invention et d’imagination de la part du cinéaste qui prétend à la ressemblance” [6].

Le théâtre semble de tous celui des arts qui résiste le plus à la norme de l’équivalence intégrale, celui qui selon Bazin offre le moins de marge de liberté, étant apparemment plus semblable au cinéma, étant déjà en soi un spectacle qu’il paraît souvent suffisant de filmer sans rien y ajouter ni modifier.

Si l’on peut discerner l’art propre du cinéma et donc ce qu’il comporte d’impur, c’est, quand lui revient d’adapter une œuvre de théâtre, à ceci : “ce n’est plus un sujet qu’on adapte, c’est une pièce qu’on met en scène par les moyens du cinéma” [7]. Dans cette conception le texte ne peut être ramené aux dimensions d’un scénario ordinaire. Il faut pouvoir en restituer la singularité, en traitant l’écart même qui sépare les conventions de jeu au théâtre et au cinéma. L’opération d’adaptation ne consiste pas en l’éradication de la théâtralité pour “faire cinéma” [8]. Il est même possible d’en accuser certains traits. Mais Bazin qui reste pris dans la problématique du réalisme et de l’effet de transparence qu’il requiert formellement, ne pourra vraiment traiter ses premières assertions en axiomes et en produire les conséquences radicales qu’elles détenaient pourtant déjà en germe. Ainsi, après avoir proposé de saisir ces équivalences intégrales du point de vue de leur impureté supposée, Bazin achève son étude sur cette demi-mesure qui consiste à arrêter que le cinéma n’a de prise véritable sur le théâtre qu’à le circonscrire, étant à la fois en-deçà et au-delà de toute pièce de théâtre, par défaut de prise directe sur les conventions qui sont les siennes. Ainsi l’hétérogénéité des conventions de jeu selon qu’il s’agit de théâtre ou de cinéma contraindrait ce dernier, aux yeux de Bazin, à un traitement distancé plus qu’impur. Ce traitement distancé ne procède pas de la distanciation brechtienne, c’est une réflexivité par défaut. Mais ce n’est pas non plus un documentaire historique que le cinéma produit alors : le théâtre est “cerné de tous côtés (...) par le cinéma” [9]. Bazin en vient donc à dire que le cinéma ne peut finalement pas traiter la pièce, au sens où nous dirions qu’il en traite le sujet, la traitant en sujet, mais qu’il en donnera avec une acuité originale les conditions de représentation. C’est en ce sens que la vertu propre du cinéma à l’égard du théâtre reste celle d’une appropriation formellement didactique. La défection que Bazin suppose au cinéma, défection de ses ressources en matière de convention, au regard de celles dont dispose le théâtre, Bazin ne la relève pas de façon globale comme un point d’appui pour l’impureté des opérations du film. Il ne peut s’en saisir que d’un point de vue strictement local et il va s’efforcer dans un premier temps d’en définir des traits structuraux à partir du jeu de l’acteur.

L’argumentaire démarre sur une mise en regard des conventions de jeu et de ce qu’il suppose du point de vue de la constitution et du rôle du public. En voici l’essentiel :

-”Le théâtre se construit bien sur la conscience réciproque de la présence du spectateur et de l’acteur, mais aux fins du jeu. il agit en nous par participation ludique à une action, à travers une rampe et comme sous la protection de sa censure. Au cinéma, au contraire, nous contemplons solitaires, cachés dans une chambre noire, à travers des persiennes entrouvertes, un spectacle qui nous ignore et qui participe de l’univers”.

-”Ce n’est plus sur le phénomène de l’acteur en tant que personne physiquement présente qu’il y a intérêt à concentrer l’analyse, mais sur l’ensemble des conditions du “jeu théâtral” qui arrache au spectateur sa participation active.” [10] Bazin va dès lors substituer, au couple de l’acteur et de la présence, celui de l’homme et du décor.

On peut faire trois objections à cette méthode et noter ses options implicites :

1- en procédant par comparaison, il omet l’assertion initiale qui, déclarant du cinéma qu’il est le plus-un des autres arts du fait du mode impur sur lequel il se rapporte à eux, le place d’emblée dans une dissymétrie essentielle. En effet cette dissymétrie objecte à ce que l’on établisse une comparaison terme à terme avec un autre art : on serait par là reconduit à traiter du cinéma dans une autarcie et une pureté fallacieuses.

2- Bazin cherche à faire passer dans l’argument de l’impureté locale, comme par le chas d’une aiguille, ce qu’il ne parvient pas à soutenir de l’impur quant au mouvement global. Sans doute la thèse d’une impureté globale remettrait-elle en cause l’idéologie réaliste de la transparence. Aussi Bazin n’admet dans ses exemples qu’une impureté locale, comme du reste le cinéma de son époque, et notamment celui de la configuration hollywoodienne, déploie aussi plus volontiers son impureté de façon localisée. Sans doute avons-nous cette chance que les films de la modernité nous instruisent de l’impureté du cinéma avec une lumineuse radicalité comme on le verra avec Othon.

3- On peut en outre difficilement admettre de comparaison objective sur l’art de l’acteur quand la temporalité en est dès le départ si hétérogène selon qu’il s’agit de cinéma ou de théâtre ; car comme l’indiquait très simplement Louis Jouvet : “au théâtre on joue, au cinéma on a joué”.

Par son opposition de l’homme et du décor, Bazin s’accorde un champ d’investigation pour quelque temps libéré des contraintes psychologiques du jeu, même s’il estime devoir y revenir finalement.

Ainsi, Bazin n’hésite pas à poser qu’ “il n’est de théâtre que de l’homme, mais le drame cinématographique peut se passer d’acteur” [11]. Le cinéma doit être pensé selon “une esthétique, non point tant de l’acteur , que du décor et du découpage “. [12]

Mais l’équivalence à laquelle songe Bazin repose sur une conception encore trop objective du théâtre, dont les conventions de jeu ne procéderaient que du caractère clos de son lieu ; à quoi il oppose l’ouverture de l’univers propre à la diégèse réaliste, c’est-à-dire la ressource de totalisation que comprend le hors-champ dans l’usage qu’en produit le réalisme. Dans les termes de Bazin : “la gageure que doit tenir le metteur en scène est celle de la reconversion d’un espace orienté vers la seule dimension intérieure , du lieu clos et conventionnel du jeu théâtral en une fenêtre sur le monde” [13].

Sans doute le mouvement intime de Bazin est-il de toujours en revenir à la psychologie de l’acteur et à sa mise en jeu par les moyens de la transparence et de l’identification. Il l’indique lui-même en affirmant notamment que cette conquête du réalisme -non du sujet ou de l’expression mais de l’espace-, n’a été possible “qu’autant que l’opposition théâtre-cinéma ne reposait pas sur la catégorie ontologique de la présence, mais sur une psychologie du jeu.” [14]. Ce que le décor doit porter, c’est cette dimension du monde qui procède de la projection sur lui de la psychologie du personnage. Le décor situe le personnage, comme il en est l’expression ; c’est en ce sens qu’il en figure l’agrandissement.

Il n’en reste pas moins que Bazin assume pleinement ses intimes contradictions pour faire droit à des intuitions des plus justes : en effet, il va tenir ce point dès le départ affirmé, que l’équivalence doit être impure car elle ne peut se fonder sur nulle similitude, qu’elle soit réelle ou d’apparence. “La solution” dit-il, “consistait à comprendre qu’il ne s’agissait pas de faire passer à l’écran l’élément dramatique, -interchangeable d’un art à l’autre - d’une œuvre théâtrale, mais inversement, la théâtralité du drame.” [15]

Bien qu’il donne finalement de cette conclusion une interprétation plutôt formalisante, en disant que dès lors “le sujet de l’adaptation n’est pas celui de la pièce , c’est la pièce elle-même dans sa spécificité scénique” [16], bien qu’il esquive donc la question de savoir comment le film y constitue son propre sujet, il aura réussi à prendre appui sur cet impératif d’impureté : le temps d’affirmer à la fois la primauté du texte, plus que de l’acteur, dans l’effort du cinéaste à se saisir d’une œuvre de théâtre, et combien le décor théâtral ne tolère aucune simple transposition en cinéma.

D’une part, la différence de temporalité entre théâtre et cinéma n’en passe plus directement par la fonction du jeu de l’acteur, elle est retraitée, assignée à cet écart du verbe au décor : “le temps de l’action théâtrale n’est évidemment pas le même que celui de l’écran, et la primauté dramatique du verbe est décalée par rapport au supplément de dramatisation prêté au décor par la caméra.” [17]

D’autre part, si Bazin juge incompatible l’artificialité du décor théâtral (qui se résume pour lui à ces trois termes : la toile peinte, la rampe, le rideau) avec les ressources du cinéma, c’est qu’il estime, cette fois-ci explicitement, le réalisme comme étant “congénital au cinéma” [18]. Ce qui a le mérite, à la fois de clarifier la condition de toute sa réflexion, et d’exclure toute équivalence terme à terme qui donnerait le cinéma pour une simple illustration du théâtre. Bazin s’applique à ruiner cette opinion : le public, dit-il, identifie le cinéma “à l’ampleur du décor, à la possibilité de montrer du décor naturel et de faire bouger l’action.” [19] Or, et c’est là ce que Bazin retient de Cocteau, le cinéma n’est pas là pour multiplier le décor mais pour l’intensifier. (Toutefois, ayant posé que l’agrandissement que le cinéma était capable de créer n’était pas le fait de cette multiplication de l’espace mais bien de son intensification, il laisse dans l’ombre ce qui à ses yeux permet de conjoindre en pensée cette intensification et la ressource de totalisation du hors-champ qu’il distinguait jusque là comme un fondement de la diégèse réaliste.)

Le texte doit être finalement dénaturé, arraché à sa destination initiale, tout en étant restitué dans son intégralité matérielle ; c’est là que se loge l’impureté cinématographique, et c’est, dans la pensée de Bazin, le thème du décor qui en soutient l’opération : “On ne saurait nier que l’essentiel au théâtre ne soit le texte. Celui-ci, conçu pour l’expression anthropocentrique de la scène et chargé de suppléer à lui seul la nature , ne peut, sans perdre sa raison d’être, se déployer dans un espace transparent comme le verre. Le problème qui se pose au cinéaste est donc de rendre à son décor une opacité dramatique tout en respectant son réalisme naturel.” [20]

A quoi répond l’invention d’Othon, de Straub.

L’IMPURETE D’OTHON.

Dans Othon, bien que le texte soit donné dans son intégralité matérielle, l’opération d’arrachement de ce texte à sa destination initiale est particulièrement sensible. Le parti-pris du film est visiblement de traiter le texte dans son élément musical, mais à part égale avec les autres bruits. Le texte n’est pas le principal dépositaire du sujet déployé, il n’en est qu’un des termes, essentiel au film mais non pas unique. C’est sans doute cette volonté de ne pas traiter le texte comme la principale articulation du sujet qui aura conduit Straub à éluder un peu hâtivement l’alexandrin dans le traitement musical et organique du texte. Inclure l’alexandrin dans ce traitement singulier du texte aurait très certainement augmenté la radicalité du film mais tel n’était pas son parti pris.

Le texte (incluant l’appropriation qui en est faite par les acteurs) est soumis à trois contraintes :

1- celle du bruit que l’artifice rend plus prégnant, bien qu’il s’agisse toujours du son direct, et dont il faut que la voix émerge (il y a un effet de lutte de la parole, et divers degrés d’effort pour s’arracher au bruit).

2- celle de la vitesse, car la directive donnée aux acteurs est celle d’un débit très accéléré, qui laisse plus souvent saisir le mouvement global de la scène que son détail.

3- celle de la diversité des accents (qui influe aussi sur le débit de chaque acteur) : accents anglais, italien, français, argentin.

Les acteurs sont traités en acteurs de cinéma. Le texte n’est pas déclamé et les expressions des visages, si infimes soient-elles, entrent dans la composition du jeu et de la scène de façon majeure (le film peu à peu multiplie les plans rapprochés). Les personnages sont caractérisés autant par ce montage, par leur débit et leur accent que par leur physique. Tout cela permet de jouer la pièce avec un relatif statisme. Mais le statisme physique des acteurs ne correspond pas ici à l’écueil souvent redouté pour les mises en scène des pièces de Corneille au théâtre. Si le mouvement n’est pas assuré par les acteurs, tout le reste y supplée -le montage du son et du cadrage, de la couleur et de la lumière- qui opère dans une assez forte discontinuité.

Ultimement, ce que produit ce montage c’est la sensation très concrète pour le spectateur d’une caractérisation des personnages par le décor. Il n’y a pas pour autant de correspondance biunivoque qui associe un fond de décor à chaque personnage de façon strictement récurrente. Mais la façon dont la caméra les y situe et le rythme dans lequel ils y sont saisis correspond au moment de la scène, en subjectivité. C’est en ce sens que l’acteur peut être dit accessoire car son jeu même n’est qu’une des multiples composantes de la construction des personnages. Cette tentative répond à la proposition de Bazin affirmant que “le drame cinématographique peut se passer d’acteur” [21] et être pensé selon “une esthétique non point tant de l’acteur, que du décor et du découpage” [22]. Mais elle comprend cette proposition de façon plus profonde que dans l’idée d’une simple suppression de l’acteur.

On peut citer plusieurs moments de ce film qui méritent description : car c’est aussi ce traitement du décor, du son et de la texture de l’image qui donne corps au texte comme action. [23]

1) Sur la caractérisation des rôles par le cadrage, le débit et l’accent :

- Aux premières paroles échangées par Othon et son confident, qui constituent la scène d’exposition, Rome est vue de la place d’Othon, procédé qui d’ordinaire indique qu’il s’agit bien du protagoniste central, du point d’entrée supposé pour le spectateur. Sa voix fonctionne sur cette scène initiale comme une voix off disant le prologue du film et qui lui assignerait pour intériorité celle d’Othon (un peu à la façon des prologues de certains films policiers, ou de certains films noirs). Pendant tout ce début, on ne voit Othon que de profil, c’est une figure emblématique dont l’intériorité ne nous est pas livrée, fût-ce même par le regard, et cela malgré que nous y ayons été préparés par la convention initiale. Si même Othon tourne la tête d’un quart de tour, la caméra, l’accompagnant dans son mouvement nous montre encore son profil. Othon répond contradictoirement à l’idée du rôle-titre, à la fois présenté comme une figure emblématique mais dont tous les traits trahissent une profonde indécision et un entêtement plus obtus que décidé. Enfin, quand il nous apparaît de face, son visage est presque entièrement figé, à la seule exception de la bouche.

- Le ton péremptoire et nonchalant à la fois de Vinius donne à ce personnage un air théâtral. Lyrique et tranquille, il contraste avec la gravité de ce qu’il annonce et demande. Ce contraste trahit sa nature de courtisan.

- Quand Martian, issu d’un esclave affranchi et pour sa part courtisan parvenu, se présente à Plautine et se déclare à elle, son manteau blanc se fond avec la lumière blanche surexposée dont il se détache, par sa tunique. Il est si vertical et si étroit qu’il fait écho à la colonne du fond de l’image, comme son symétrique, et se trouve ainsi fossilisé dans les ruines.

- L’empereur Galba roule les R, sa voix est grave, son débit lent parcourt toutes les syllabes. Il a une sorte de roublardise assise dans son air et sa diction. Filmé sur fond de pierre, il semble en surgir, mi-roc, mi-reptile.

2) Sur la prise en charge de l’intériorité du personnage par le cadrage et le montage du son :

- Au tout début de la scène 1 de l’acte II, le plan immédiatement resserré sur Plautine subsiste quand sa confidente Flavie lui parle, si bien qu’à raison de la clarté et la douceur du son dont bénéficie cette voix, il semble que ce soit un dialogue en pensée de Plautine avec elle-même. De même, à la toute fin de la pièce, Flavie entamant le terrible récit de la mort de Vinius est d’abord entendue comme une voix intime de Plautine avant d’être perçue par le spectateur.

- L’acteur joue pour le cinéma, il joue des ressources infimes des expressions du visage. Pendant toute la scène 1 de l’acte II, c’est-à-dire pendant la description que Flavie donne de l’entretien d’Othon avec la princesse Camille, le champ-contrechamp ne montre de Plautine qu’un air morne. Il n’y a pas trace d’emportement ni de désespoir. Mais il suffit que Plautine lève à peine les yeux vers le ciel pour que l’on discerne à son seul regard l’inextricable mélange de douleur et de résolution.

- Le début de l’acte IV se caractérise par un effet d’isolement. On a quitté les abords de la ville pour l’enceinte des ruines. C’est la scène de la fontaine. Othon est allongé, Plautine est assise sur le rebord de la fontaine. Elle répète de sa main dans l’eau le même geste, pendant toute la durée de la scène, exprimant ainsi concentration et mélancolie. La sévérité des amants contraste avec ce que le décor semble annoncer de paix, n’était le caractère assourdissant du ruissellement de l’eau, symbole de ce que les multiples calculs conçus dans cette situation peuvent comporter d’étourdissant. Il y a en apparence immobilité et repos, tandis que ce qui a réellement cours c’est le tourment des stratégies les plus improbables pour se sauver, sauver Vinius, accéder au pouvoir, délivrer l’Empire de l’emprise de Lacus et Martian. Il faut là se confier au bruit comme à la vitesse de la parole puisqu’ils sont là tout particulièrement en concurrence. Dans cette scène immobile, chaque parole doit être arrachée au bruit et à la violence de ce bruit. L’action y est entièrement menée par le verbe, par l’effort de la parole pour s’accorder à la vitesse de la pensée.

3) Sur la saisie du sujet dans l’élément du clos et de l’ouvert :

- Sur le ton de la confidence et par sa rhétorique insinuante, Lacus contraint Martian à s’allier à lui. Son argumentation semble inépuisable et s’avère très tranchante. La tonalité d’intrigue politique que recèle leur méditation conjointe est plus concrètement perceptible encore de ce qu’ils s’enfoncent dans les fortifications et ne laissent voir que leur dos.

- Quand Vinius surgit auprès d’eux, il entre de profil dans l’image, ne semble avoir fait pour cela qu’un simple pas, sans élan ; comme s’il s’était déjà trouvé là depuis un moment et n’avançait d’un pas que pour leur signaler ainsi qu’à nous sa présence. On a le même sentiment d’enfermement et d’espionnage que si la scène se déroulait dans l’enceinte gardée d’un palais.

- Dans l’acte V, plus de fontaine, mais une légère rumeur, bien plus lointaine qu’au tout début, et un grand vent. Devant un mur, les personnages sont disposés autour de l’empereur, restaurant le dispositif des scènes de Cour. Galba est le seul assis.

- Les distances des personnages, leur hiérarchie déjà inscrite par leurs places, sont encore indiquées par la mise à distance des personnages par un recadrage, tandis que Galba leur témoigne sa vindicte, ou bien par le vide de l’espace que parcourt la caméra dans le va-et-vient de chaque réplique. Mais la caméra est aussi guidée par le dernier qui prend la parole, si bien que toutes les interventions semblent s’équivaloir. En outre, la caméra introduit un temps de retard sur le début de chaque réplique, retard qui accuse encore la lenteur des décisions prises à la Cour.

- Galba, seul et debout, se profile sur un fond entièrement empli par la muraille, quand il donne ses ordres. Si bien qu’aucune perspective n’est concrètement offerte dans ce plan pour qui regarde en direction de Galba.

- Le film s’achève sur la partie la plus dégagée, et derechef en amorce sur la ville. C’est là que les personnages se séparent et, Albin resté seul, le regard soutenu en direction d’Othon qu’on ne voit plus, crée, par sa présence solitaire dans cet espace, un sentiment de réouverture du lieu à l’espace et aux dimensions de la ville. Par son regard, il renforce le sentiment de suspens auquel tend tout le film, mais qui ne procède pas directement du texte de Corneille. Ce suspens est en quelque sorte une dimension ajoutée, qui le tord sur lui-même. De la fin de la politique (et non sa simple et passagère impossibilité comme dans Cinna), de cette thèse qui sous-tend l’Othon de Corneille, le film en vient ici à la disjonction de la politique et des intrigues étatiques. Si bien qu’est laissé en suspens, mais suggéré, qu’existe de la politique, dont le lieu ne serait plus au sein de l’État et des institutions de pouvoir : le film est tourné en 68-69.

Si le décor s’avère dans Othon une clé de voûte pour l’édification du sujet du film, ce n’est pas exactement au sens où Bazin entend que le décor supporte l’impureté de la traduction d’une pièce en cinéma.

Rappelons les trois termes du décor théâtral pour Bazin : ce sont la toile peinte, la rampe, le rideau. Examinons quel rapport ce film entretient à chacun de ces termes.

Concernant la rampe et ce qu’elle suppose de distance de la part du spectateur à l’égard de ce qu’il voit, on peut mesurer à l’épreuve d’un film comme Othon combien ce critère ne discrimine pas la scène de l’écran. En effet, le cinéma selon Bazin se fonde sur une illusion de réalité qui suscite l’adhésion du spectateur, sa contemplation d’un univers très prégnant et totalisant. Mais par rampe, Bazin entend se référer à tout ce qui participe d’une convention manifeste : à ce titre, les cothurnes ou les masques valent bien la rampe dans son acception strictement architecturale. De ce point de vue, Othon exige du spectateur une attention active. Ce film demande que l’on s’y confie sans jamais laisser oublier son artifice y compris sur les éléments de naturel (le son direct et le site dans sa lumière propre). L’effet de rampe existe bel et bien par la convention que le film instaure : et nous pouvons dire, à l’instar de Bazin, que s’il y a identification, c’est “sous la protection de sa censure”. En sorte que l’identification opère plus globalement sur le film Othon, sur sa diégèse, que sur le personnage incarnant le rôle-titre. La diégèse du film (c’est-à-dire l’univers créé), est très prégnante mais non-totalisante, elle ne nous saisit que dans les strictes limites de ce film sans nous absorber dans une illusion de quelconque réalité. De fait, le caractère non-représentatif de ce monde est flagrant, où coexistent, avec un naturel de pure fiction, passé et présent.

Concernant l’effet de toile peinte, ce n’est manifestement pas dans cet à-plat et cette convention extrinsèque qu’est traité ce décor. L’artifice de ce décor ne procède pas d’une stylistique ou d’une esthétisation particulière. Ce décor est avant tout pris dans son élément naturel. Mais étant naturellement encerclé de l’actuelle Rome, il situe les ruines et le référent antique qu’il recèle, aux confins d’une temporalité qui lui est de prime abord hétérogène. C’est sur la singularité de ce site existant, les ruines du mont Palatin dominant la Rome contemporaine, que Straub fonde un artifice temporel à-priori hétérogène à la pièce de Corneille. Ainsi, l’artifice conçu sur la base du décor crée une convention singulière mais dans l’ordre de la temporalité du film et non du simple décor. Par ailleurs, la mixité temporelle, naturelle au décor filmé, soutenant la disjonction du hors-champ est aussi au fondement de son effet détotalisant sur la diégèse.

Enfin, le rideau est, lui, supprimé. La distinction des actes n’apparaît donc plus et le texte nous est pour ainsi dire proposé d’un seul bloc. C’est le seul principe de continuité rythmique qui vienne en contrepoint de la discontinuité du montage des époques (antique et contemporaine), des lumières, du cadre, etc...(sautes de lumières et de couleurs, variabilité du fond sonore et de la proximité des voix).
Finalement, ces trois termes choisis par Bazin pour juger du décor et de l’opération qu’il soutient gardent une réelle pertinence : ou bien il y a effectivement une équivalence restituant le critère initial par une nouvelle construction, c’est le cas de l’effet de rampe, ou bien l’équivalence est plus dénaturante, comme on le voit à propos de la notion de toile peinte ; et quand bien même le critère initial semble éludé, comme il en va du rideau, il reste un indice pertinent pour l’identification d’une opération.

La dialectique de l’intérieur et de l’extérieur, ou plutôt du clos et de l’ouvert, comme expression formelle du sujet du film, ne résulte pas du décor lui-même, du moins pas du point de vue de l’image qu’il produit et qui l’apparenterait à une toile peinte. Deux aspects de la pièce sont en jeu et à l’œuvre dans cette dialectique du clos et de l’ouvert.

D’une part cette dialectique sert la fonction d’enfermement que la pièce confère déjà aux situations étatiques. Aucune hypothèse, aucune décision qui soit tenue dans le secret de ses protagonistes immédiats. Toute chose dite est virtuellement entendue. Mais cela, le film le produit à raison de l’équivalence singulière qu’il donne de l’irruption d’un acteur. La convention de l’irruption d’un acteur est, au théâtre, ordinairement impartie à l’entrée sur la scène, ou bien à la surprise que réserve parfois une ouverture ou un tomber de rideau, ou bien encore à la lumière qui semble créer la présence jusqu’alors insoupçonnée d’un acteur pourtant déjà logé sur la scène. Ainsi l’irruption de l’acteur n’est-elle pas toujours, au théâtre même, corrélée à la seule matérialité physique de l’acteur sur la scène. Dans le cadre formel général que propose Othon, la simple entrée d’un acteur dans le cadre de l’image est très rare. Ce qu’il y a là de remarquable c’est que Straub y trouve sa ressource propre pour traiter de l’enfermement particulier qui est celui des intrigues de pouvoir menées à la Cour de l’empereur, et cela à ciel ouvert. Les acteurs semblent ainsi toujours déjà là et leur présence est avérée le plus souvent par un simple recadrage élargissant la découpe de la situation qui nous était initialement donnée.

L’impureté de cette équivalence revient à sa capacité de créer un opérateur qui diffère d’une équivalence naturelle ou simplement technique. Le recadrage supplée pour l’irruption de l’acteur à son entrée comme au rideau et comme à la lumière. Mais cette manière de suppléer est un détour intense, en ce qu’elle détient et l’idée de l’irruption et son articulation immédiate au sujet : l’étouffement de toute dimension politique et héroïque dans ces situations de Cour où ne se joue en définitive que la stratégie du pouvoir, de son assise et de son maintien.

Le second aspect de cette dialectique atteste de la dimension ajoutée par Straub au sujet de l’Othon de Corneille. Le mouvement global de repli à l’intérieur des ruines du Mont Palatin en est le principal vecteur. Le fond sonore en témoigne également, à dominante urbaine -la circulation de Rome toute proche- pendant les trois premiers actes, puis au quatrième acte absentant tout-à-fait la ville par le ruissellement de la fontaine, enfin au cinquième acte par un grand vent qui ne laisse s’infiltrer que de très loin la rumeur de la ville.
Ce mouvement de repli accuse encore la disjonction de ce monde du pouvoir, son caractère anachronique au regard de la ville. Bien loin de retrouver une tonalité plus homogène à l’époque où l’on suppose que se tient l’action de cette pièce, ce mouvement de repli renforce la dimension fantomatique de ces personnages et de ces intrigues. La façon dont ces personnages subsistent en costumes parmi ces ruines, ruines qui ne fonctionnent jamais comme un décor de péplum, les change en apparitions. La temporalité de leurs intrigues est si visiblement déconnectée du site que c’est en définitive plutôt l’idée de leur vacuité et de leur éternelle péremption qui s’établit au long cours. C’est ainsi en creux qu’est suscitée l’idée de l’absence du peuple sur la scène des stratégies étatiques, et suggéré que les véritables décisions, celles qui relèvent de politique à proprement parler, se jouent ailleurs. Le gouffre noir sur lequel s’achevait le prégénérique figurait déjà métaphoriquement l’existence d’un terme innommé, qui trouait le roc de ce site. La disjonction du hors-champ, disjonction ici plus temporelle que spatiale, est ensuite l’opération par laquelle le film établit patiemment que ce hors-champ advient comme lieu du peuple, au sens où c’est au peuple qu’appartient la politique ; et cela, le film l’indique sans avoir à représenter à cet effet le peuple en question.

CE QU’OTHON ELUCIDE OU CONFIRME DES THESES DE BAZIN.

1) L’impurification de la pièce Othon par le film porte bien sur l’arrachement du texte à sa destination initiale, et, ainsi que le soutenait déjà Bazin, c’est bien le thème du décor qui en soutient l’opération, mais en un sens plus ambitieux encore que ne l’envisageait Bazin. Othon confirme que ce n’est pas de la simple convocation ou citation d’un autre art que le cinéma tient son caractère impur, mais du mode sur lequel il l’effectue dans un arrachement singulier à sa destination initiale.

2) Il faut en outre compter avec cette impureté qui consiste pour ce film, Othon, à s’arracher de la nature purement technique du cinéma, de sa fonction d’enregistrement, nature qui entame l’inventivité de son art. Un film se doit d’arracher le cinéma, non à son art propre, mais à la destination qui peut lui être initialement supposée : il l’arrache à “la réalisation des catégories, même matérielles, qui y sont supposées. Catégories comme image, mouvement, cadre, hors-champ, texture, couleur, texte, etc...” [24]. (L’artifice du découpage visuel et du montage sonore excède le simple enregistrement de la pièce en décor naturel et son direct ; or il est un ressort explicite pour les opérations du film.) Par l’explicitation des effets de l’impureté du cinéma sur sa propre nature technique, ce film, Othon, recèle une réflexivité discrète qui, bien qu’elle ne soit pas nécessairement centrale, porte une dimension de manifeste pour le cinéma moderne.

3) Nous avons noté que l’équivalence créée des conventions théâtrales (entrées et effet de rampe), diffère d’une équivalence naturelle ou simplement technique. A quoi il faut ajouter qu’elle ne correspond à aucun paradigme appartenant à un autre art, quel qu’il soit. Ainsi, Othon montre que de façon générique, l’impureté n’exige pas d’en passer par un autre art pour procéder à cette opération singulière de l’arrachement : le cinéma est “le plus-un des six autres. Il opère sur eux, à partir d’eux, par un mouvement qui les soustrait à eux-mêmes.” Mais ce qui importe là, c’est que le cinéma s’y avère capable de se mouvoir dans un “ni l’un ni l’autre, dont tout l’art (...) est de tenir le passage.” [25] Et à cet effet, tout est bon.

4) Reconsidérons maintenant ces deux thèses de Bazin :
- “Ce n’est plus un sujet qu’on adapte, c’est une pièce qu’on met en scène par les moyens du cinéma.” [26]
- “Le sujet de l’adaptation n’est pas celui de la pièce, c’est la pièce elle-même dans sa spécificité scénique.” [27]

Toute impureté ne procède pas toujours par équivalence sur le décor (nous ne traitons bien sûr ici que du cas où il s’agit de tenir le passage du théâtre en cinéma). C’est de ce point de vue même qu’Othon représente un cas particulier d’une parfaite exemplarité pour l’étude des thèses de Bazin sur le décor. C’est que, précisément à la façon dont il concentre l’impureté de ses opérations sur le décor, il permet de discerner combien le rapport qu’entretient ce film à la pièce ne se limite pas au traitement de sa spécificité scénique. A première vue, le film n’a que faire de cette seule spécificité scénique. En revanche, toute la mesure en est donnée quand son traitement rencontre le sujet de la pièce en un point inattendu. Il n’y a d’intérêt à discerner l’impureté de l’opération effectuée par le film sur l’idée du décor naturel, qu’à reverser cette idée sur le sujet, et voir ce qu’elle y modifie au regard de l’idée initiale de Corneille (concernant la situation de la politique au sein de l’État).

Ce film est en prise directe sur la pièce, mais sur son sujet, et non comme au théâtre sur ses conventions de jeu (du moins pas de façon essentielle). Car le sujet y est réellement traité dans l’élément de l’impur. Ce que le film montre ne correspond à rien d’existant au théâtre et n’y serait pas non plus concevable, même dans l’après-coup du film. Le film montre ce que l’on peut faire du texte de Corneille, mais son souci n’est pas d’en garantir la possibilité à l’épreuve de la scène. Ni ce jeu des acteurs n’y serait envisageable, ni cette ouverture du visible ne pourrait être déployée à la scène. Or cette ouverture du visible est ce qui déplace pour part le sujet de sa gamme initiale de possibles. Aussi, l’impureté du cinéma ne traite de la spécificité scénique que conjointe à son sujet. C’est pourquoi l’on peut dire que c’est le sujet lui-même qui est arraché de sa destination initiale. A ce titre, le film n’est pas une adaptation de la pièce. Le film ne s’inspire pas de la pièce, de son “sujet” au sens anecdotique du terme. Il n’en est pas non plus une mise en scène originale choisissant une interprétation parmi celles possibles dans la gamme initiale qu’en proposerait le théâtre. Le film crée une autre gamme de possibles pour ce même sujet. Il porte moins la récollection des ressources de la pensée que l’élucidation de ses possibles “une fois assurées, dans la guise des autres arts, ses ressources. Indiquer ce qu’il pourrait y avoir, outre ce qu’il y a.” [28] Et parmi ses possibles, celui que convoque le sujet du film est bien la suscitation d’”une idée dans la force de sa perte” [29]sur la scène du pouvoir, la perte du peuple et de toute prise sur la politique.

Il convient donc de distinguer deux versants de l’impureté :

a- ce qui relève de l’opération formelle, qui lui confère son principe d’unicité et constitue un indice de la singularité du film.

b- ce qui de surcroît se décèle de cette impureté en termes d’effet sur le sujet du film, effet corrélé à la registration des possibles de ce sujet et qui en crée une nouvelle gamme.

5) Enfin l’impur doit être traité du point de vue de la tension du sujet et de la configuration à laquelle appartient le film.

Avec Othon, la question porte sur la dimension non-figurative du décor, (y compris pour le réalisme)cette dimension non-figurative surgit indépendamment du caractère vraisemblable du décor, elle résulte du mode sur lequel le décor est mobilisé dans la composition du sujet.

Notes

[1Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer, ou : Peut-être qu’un jour/Rome se permettra de choisir à son tour, film de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet (1969), sur le texte d’Othon, tragédie de P. Corneille.

[2Bazin, “Pour un cinéma impur”, in “Qu’est-ce-que le cinéma ?”

[3Badiou, “Le cinéma comme faux mouvement”, L’art du cinéma n°4.

[4Bazin, “Théâtre et cinéma”, Ibid.

[5Bazin, “Pour un cinéma impur”,Ibid.

[6Bazin, “Pour un cinéma impur”,Ibid.

[7Bazin, “Théâtre et cinéma”,Ibid.

[8Bazin, “Pour un cinéma impur”, Ibid.

[9Bazin, “Théâtre et cinéma”, Ibid.

[10Bazin, Ibid.

[11Bazin, Ibid.

[12Bazin, Ibid.

[13Bazin, Ibid

[14Bazin, Ibid.

[15Bazin, Ibid

[16Bazin, Ibid

[17Bazin, Ibid.

[18Bazin, Ibid

[19Bazin, Ibid

[20Bazin, Ibid

[21Bazin, Ibid

[22Bazin, Ibid

[23Rappelons ici quel rôle correspond à chaque nom de personnage : GALBA, empereur de Rome / VINIUS, consul / OTHON, sénateur romain, amant de Plautine / LACUS, préfet du prétoire / CAMILLE, nièce de Galba / PLAUTINE, fille de Vinius, amante d’Othon / MARTIAN, affranchi de Galba / ALBIN, ami d’Othon / ALBIANE, soeur d’Albin, et dame d’honneur de Camille / FLAVIE, amie de Plautine / ATTICUS, RUTILE, soldats romains. // La scène est à Rome, dans le palais impérial.

[24Badiou, “Le cinéma comme faux mouvement”,.L’art du cinéma N°4.

[25Badiou, Ibid.

[26Bazin, “Théâtre et cinéma”Ibid.

[27Bazin, Ibid.

[28Badiou, “Peut-on parler d’un film ?”, L’art du cinéma n°6.

[29Badiou, Ibid.