Les innocentes (Anne Fontaine, 2016)

par Elisabeth Boyer

1945 en Pologne. Dans un couvent, une religieuse fait appel à une jeune femme de la Croix-Rouge, qui va accepter dans le secret de s’occuper des Religieuses tombées enceintes après leur viol par des soldats russes. Il souffle dans cette Pologne du film à la fois un vent glacial et une lumière communicative. Plus fortes encore que la grâce du soleil hivernal magnifiée, beaucoup d’idées-cinéma, qui portent cette grande question de la figure féminine, sur ce dont sont capables les femmes, si différentes en apparence par leurs destins, leurs convictions. La rencontre intense, et heureuse, entre des actrices françaises et polonaises, devient une complicité profonde, visible, subtile, pas seulement par leurs accents, leur diction. Pas de faux débats ici sur la religion, sur le sexuel, aucun discours. Juste des regards, de longs silences, des gestes, des éclairages, en somme des actes forts. Le cri du début qui transperce le chant des religieuses assemblées, la représentation paisible du couvent, est l’acte sensible augural du film, qui va défaire l’ordre. C’est l’accès à un monde multiple, avec ses surprises, ses peurs, ses angoisses, ses rêves, où la dialectique en acte du même et de l’autre ouvre à tous les possibles, où l’attention désintéressée - la vie avec l’amour - défait puissamment les identités convenues.