Kingsman, The Golden Circle (Matthew Vaughn, 2017)

par Charles Foulon

Véritable suite du premier Kingsman, par ses personnages dont deux qui reviennent de manière surprenante, ce film de Matthew Vaughn pousse plus avant son exploration du genre espionnage. Mais ce qui surprend centralement, ce sont les contrastes quasi-extrêmes entre d’un côté la finesse, l’élégance des gentlemen Kingsman, et de l’autre les scènes grotesques. Il y avait déjà du grotesque dans le premier, par touches : par exemple, le dîner chez Valentine, où le raffinement suprême consistait à manger un hamburger Mac Donald avec un vin rare ; ou la scène dans l’église, partagée entre l’horreur et le grand guignol... Dans ce second opus, c’est encore autour d’un hamburger qu’est déclenchée la première scène grotesque, où l’horreur côtoie le décor rose bonbon et le sourire de la méchante du film, Poppy.

C’est une suite car Poppy est caractérisée, décrite comme une parfaite, intransigeante et efficace PDG. Son entreprise, comme dans les films de mafia, est l’envers exact des multinationales capitalistes qui dominent le monde. Dans le premier film, Valentine en était la version "légale".

C’est une suite car le film se démarque encore des James Bond, tout en s’y référant. Principalement par une mise à distance avec l’État, n’hésitant pas à le montrer (et en particulier l’État américain) comme un ennemi de la population : dans le premier film, le personnage du président des États-Unis désignait sans ambiguïté Obama ; ici, par son jeu, l’acteur évoque clairement Trump. État qui ne voit absolument aucun inconvénient, et même un avantage de la « guerre contre la drogue », à sacrifier des centaines de millions de personnes. Le film se démarque aussi des James Bond sur le fait central qu’au lieu d’un agent solitaire des services secrets d’un État, se forme à nouveau un collectif d’agents qui n’obéissent qu’à leur propre principe. La figure de Merlin, figure détournée de l’expert en accessoires « Q », est ici magnifiée par une scène héroïque saisissante.

C’est une suite car le film met à distance toute tentation sentimentale (même légitime) par un humour franc (voir la scène où Merlin et Eggsy portent des toasts), et par une mise en avant, en toutes circonstances, de la mission, qui est de sauver le monde. Mission guidée comme dans le premier film, par un principe simple : la vie des gens compte, quels qu’ils soient. Mission qui devient une cause.

C’est également une suite par son appel au conte : alors que dans le premier, il y avait quelque chose d’Alice au pays des merveilles (les miroirs, passer à travers, descendre au fond du terrier, devenir plus grand…), on est plutôt ici chez Hansel et Gretel. La méchante Poppy menace la population mondiale en l’attirant par ses "douceurs empoisonnées" ; elle n’hésite pas, telle une sorcière, à obliger ses agents à devenir cannibale. Conte également car le prolétaire Eggsy continue son histoire d’amour, à la fois passionnée et rationnelle, avec une princesse royale. Princesse dont les liens indéfectibles avec le peuple signent la vraie noblesse.

C’est une suite, enfin, car ce second Kingsman propose une image enthousiasmante de la jeunesse ; jeunesse trop souvent dénigrée. Langage, cascades, courses poursuites de voitures, vitesse extrême, mise en scène vertigineuse : c’est un film "rock-n-roll", qui montre qu’on peut être jeune, et être un véritable gentleman. Dans le premier film, le personnage d’Harry Hart rappelait cette formule d’Hemingway : "La vraie noblesse n’est pas d’être supérieur aux autres ; la vraie noblesse, c’est être supérieur à ce qu’on était auparavant". Ce Golden Circle, dans la continuité du thème de l’éducation et de la transmission, non de valeurs, mais de principes, reste ouvertement fidèle à ce credo. Il en renouvelle son adresse affirmative et enthousiaste à la jeunesse d’aujourd’hui.