Hollywood et le western

par Denis Lévy


Une des thèses fondatrices de L’art du cinéma est que le cinéma moderne nous permet de voir aujourd’hui le cinéma classique d’un œil neuf, débarrassé du poids de ce qu’il représentait. Eclairé rétrospectivement, le cinéma apparaît dans l’évidence de son art, c’est-à-dire de ses opérations propres. En d’autres termes, ce qu’avèrent les modernes, c’est ce qui fait véritablement art au cinéma.

Cette thèse nous fixe une tâche critique : parler des films classiques tels qu’ils nous apparaissent aujourd’hui, dans les termes qu’exigent les films modernes, en nous gardant d’interpréter les significations rencontrées - en nous gardant par exemple de tout idéologisme - et essayer de montrer comment les films disposent une série d’opérations pour organiser l’affleurement d’une idée, sa “visitation”. [1]

C’est pour répondre à cette exigence que nous inaugurons une série de brochures thématiques consacrées au cinéma “classique”, et plus particulièrement, dans un premier temps, à cette vaste configuration artistique qu’est le cinéma hollywoodien, qui se déploie du début des années 1910 à la fin des années 1960.

HOLLYWOOD, ENJEU CRITIQUE

Pour comprendre l’intérêt que nous accordons à Hollywood, il faut voir que la défense de ce cinéma comme art constitue un enjeu important dans l’histoire de la théorie critique. Rappelons que la reconnaissance du cinéma hollywoodien comme art ne s’est pas effectuée sans mal : pendant longtemps, l’opinion dominante a été que ce cinéma devait être traité, à de très rares exceptions près, comme une industrie du divertissement, pur produit du capitalisme américain [2]. Il n’y aurait eu là que simple message idéologique, habillé d’oripeaux spectaculaires.

La conception du cinéma qui fonde cette opinion (parfois encore vivace) est que les films relèvent essentiellement de la représentation (qu’ils sont constitués d’objets), et que la critique doit s’attacher principalement à interpréter ces représentations, ces objets. C’est l’idée que toute image est avant tout image de quelque chose, et que le film est lui-même objectivé en pur reflet, incapable de faire effet de sujet, c’est-à-dire de vérité. Dans cette conception, la forme n’est qu’un simple habillage décoratif, disjointe du “contenu”, terme sous lequel sont désignés à la fois les objets et leurs significations. Toute critique qui tenterait de parler des films en termes d’art, c’est-à-dire en termes de pensée présentée par une forme spécifique [3], sera dès lors taxée de “formalisme”, comme ce fut le cas dans les années 1950 pour les Cahiers du cinéma quand ils proposèrent, sous le nom de politique des auteurs, une entreprise de ce type.

La nouveauté de la politique des auteurs [4], et ce qui faisait scandale à l’époque, est son intérêt pour Hollywood. Il y a là en effet une intuition importante, qui pressent que le cinéma hollywoodien constitue une configuration capitale de l’art du cinéma.

La question de savoir si ce cinéma relève ou non de l’art a toujours été cruciale dans la théorie du cinéma : c’est à elle que se mesure la place qu’on y accorde à l’objet. On constatera en effet - ce n’est pas une nouveauté, c’est même précisément ce que lui reprochent ses détracteurs - que dans le cinéma hollywoodien, l’objet est constamment tenu en retrait. Cela tient, à l’origine, à sa structure même : l’infernale volonté des producteurs de tout contrôler, économiquement et idéologiquement [5], avait bâti un système de standardisation des objets extrêmement élaboré, et qui devait du reste devenir le modèle de toutes les autres cinématographies dans le monde (y compris stalinienne). De cette standardisation relève notamment le système des genres - non pas les genres eux-mêmes, qui apparaissent antérieurement à toute nécessité économique, mais leur systématisation, c’est-à-dire leur fixation dans des modèles structurels presque immuables - ou encore le star system, qui n’est rien d’autre qu’une catégorisation des acteurs.

En ce qui nous concerne, ce n’est pas l’origine du système qui nous intéresse, mais le fait qu’il constitue un cadre de contraintes, mais aussi de référence, à partir duquel s’est élaborée une esthétique, c’est-à-dire un ensemble de conditions de l’art, par rapport auquel l’art peut se situer et se déployer, mais auquel il ne saurait se réduire. C’est pourquoi il est nécessaire, pour comprendre l’art hollywoodien, de tenir compte de cette esthétique. L’étude des genres, en particulier, est essentielle : chaque genre pourrait être vu, métaphoriquement, comme une sorte de “langue” [6], qu’il faut connaître pour appréhender les œuvres qu’elle a fait naître. La connaissance de cette “langue” ne peut évidemment suffire pour rendre compte de ces œuvres en tant qu’œuvres d’art, de même que la connaissance et l’étude d’une langue ne peuvent rendre compte des poèmes en cette langue. On constatera même que tout grand film, à sa manière, “interrompt” le genre, et par conséquent le redispose, - comme tout grand poème interrompt la langue et la redispose.

La particularité de la “langue” qu’est le genre est qu’elle minimise l’espace de la représentation, à la fois en réduisant le nombre des objets, en les répétant d’un film à l’autre, et en les typifiant de telle sorte qu’ils se prêtent plus visiblement aux opérations propres au cinéma : et c’est dans la visibilité des opérations que s’effectuera la “visitation” de l’Idée. De ce fait, certains genres seront un terrain privilégié pour traiter en cinéma des questions du temps : quelque chose comme une capacité de “sujet générique” (“sujet” plutôt que “thème”, parce qu’il n’est pas représenté, même si les termes de la question sont incarnés dans des figures). Ainsi, le western dispose la possibilité de penser-en-cinéma le national, la question “qu’est-ce qu’être américain ?” - A partir de là, tous les cas de figure peuvent exister, selon le niveau de pensée auquel se situent les films.

Brève typologie du western

La typification la plus immédiatement repérable, celle qui fait dire aux détracteurs du western qu’on y raconte toujours les mêmes histoires, est celle des situations dramatiques, voire même d’épisodes particuliers (on sait par exemple que la bagarre aux poings et le duel - gunfight - sont des épisodes si inévitables que leur éventuelle absence elle-même prend un sens). Les situations-types les plus fréquentes sont celles de l’itinéraire, - souvent d’abord errance qui finit par se transformer, au hasard d’une rencontre, en quête d’un sens ; de l’établissement de la loi et de l’ordre dans une ville livrée à la barbarie ; du conflit entre grands éleveurs et petits fermiers, passage d’une féodalité à une démocratie ; de l’affrontement entre l’armée et les Indiens (situation qui doit demeurer épisodique, puisque son omniprésence peut faire basculer le film du western vers le film de guerre [7]), etc.

Les personnages relèvent également d’une typologie, encore plus précise et restreinte (mais susceptible d’importantes variations). La figure centrale est celle du héros, caractérisé comme un expert de la conquête de l’Ouest, avec le savoir qu’elle implique, à la fois sur le maniement des armes, la survie dans les contrées sauvages, les mœurs indiennes, etc. Mais c’est aussi, plus profondément, une figure du peuple, au sens, en particulier, où le héros est spontanément du côté de la justice et du bon droit, prêt à prendre le parti des opprimés. En cela, le type symétriquement opposé sera celui du “méchant”, du villain, emblème de la tyrannie et de l’injustice : l’affrontement final entre le héros et le villain sera le dénouement obligé de la situation.

Toutefois, les choses ne sont pas toujours aussi simples : au héros se juxtapose souvent, ou parfois même se substitue, un personnage plus ambigu, le badman (mauvais garçon), sorte de héros dévoyé, qui hésite, par défaillance morale ou par caprice du destin, entre deux camps, celui des opprimés et celui des tyrans, entre le juste et l’injuste, entre right et wrong [8]. (Telles sont par exemple les grandes figures de hors-la-loi légendaires comme Billy the Kid ou Jesse James.) La question posée par le film sera alors celle du rachat possible du badman, fût-ce dans la mort.

Autour de ces types centraux gravitent des caractères secondaires qui se prêtent volontiers au pittoresque : le vétéran de l’Ouest (ou old timer), fidèle compagnon du héros, et qui est en quelque sorte celui qui garantit l’appartenance du héros à la fois au peuple et à la tradition historique des pionniers ; les divers représentants de la Loi : sheriff (élu par les citoyens) ou marshal (nommé par l’Etat) ; le joueur professionnel (gambler), à l’élégance aristocratique à la fois séduisante et suspecte ; le médecin, souvent déchu par l’alcool, mais capable de régénérescence dans les circonstances graves ; le “pied-tendre”, nouveau venu dans l’Ouest et objet de quolibets ; les Indiens, enfin, dont le statut, on le verra, est très variable selon les époques.

On a souvent prétendu que le western était essentiellement un univers d’hommes, dans lequel les femmes ne joueraient qu’un rôle très accessoire. C’est un cliché absolument inexact. On soutiendra au contraire que le western ne saurait se passer d’au moins une figure féminine. On peut du reste assez facilement repérer deux types opposés de personnages féminins : d’un côté la fiancée, ou l’épouse, qui représente naturellement l’installation, l’établissement sur une terre, avec la fondation d’une famille ; elle est (ou a été) d’abord une pionnière, mais ce mouvement a nécessairement pour but un point d’ancrage. De l’autre côté, la figure de l’entraîneuse, ou son équivalent, qui représente la promesse de l’aventure, dans tous les sens du mot, avec son parfum d’illégalité et surtout, d’instabilité : bien que généralement en place (attachée à un saloon, par exemple), elle ne possède rien, ne cherche pas à posséder, et elle est toujours prête à repartir avec le héros ou le badman.

Il est extrêmement fréquent que le héros soit en situation de devoir choisir entre ces deux figures, - non seulement entre deux femmes, entre deux formes d’amour (et l’amour, comme dans tout le cinéma hollywoodien, a ici une fonction rédemptrice), mais aussi entre deux modes de vie, entre deux façons de conquérir l’Ouest, ou entre deux façons d’être américain : comme colon ou comme aventurier. Le spectateur, pour autant qu’il s’identifie à cette situation de choix, penchera nécessairement pour l’entraîneuse, - si du moins il ne cède pas sur son désir de spectateur [9], puisque l’épouse est présentée comme celle qui veut mettre un terme à l’aventure, donc au film.
Ces deux figures féminines peuvent donc être vues comme des emblèmes de la Nation, de deux conceptions opposées de la Nation : l’une attachée au territoire et à l’enracinement, l’autre associée à l’instabilité et à l’ouverture ; la Nation comme terroir originaire ou la Nation comme horizon sans limite.
On voit donc que les femmes ne sont nullement accessoires dans le western : elles sont sans doute moins actives dans le drame, mais elles en constituent toujours un enjeu crucial, puisque c’est autour d’elles que se développe la question centrale du western, - la question nationale américaine.

LE WESTERN CLASSIQUE EXISTE-T-IL ?

Les historiens s’entendent généralement pour faire remonter l’origine du genre à 1903, avec The Great Train Robbery (Le vol du rapide) d’Edwin S.Porter. Mais on remarquera qu’il s’agit là d’“actualités reconstituées”, telles que Méliès en avait réalisé dès 1897 : les hold-ups de trains étaient en effet très fréquents à l’époque, et la fiction est ici minimale, mimant pour l’essentiel le reportage. On pourrait arguer de ce fait qu’il n’y a pas là de différence fondamentale avec les “vues” primitives d’Edison qui montraient des scènes du folklore de l’Ouest, ou avec le documentaire intitulé The Life of an American Cowboy (1906), également de Porter. De même, les “drames de l’Ouest”, dont les protagonistes sont souvent des Indiens, ne sont-ils encore que des “pré-westerns”, le Far West n’y étant encore qu’un simple décor à des mélodrames. [10]

On ne doit d’ailleurs pas voir la genèse du genre comme une synthèse d’éléments additionnés au fil des années. Il n’est pas non plus tout à fait exact de dire comme Stanley Cavell qu’un genre naît tout fait. Il semble plutôt qu’un genre naisse par soustraction aux autres genres : ainsi le western a-t-il dû se soustraire aux mélodrames de l’Ouest primitifs pour apparaître comme western (western tout court et non plus Western melodrama). Et le mélodrame lui-même n’est réellement un genre cinématographique que lorsque tout adjectif en a été retranché.

Sans doute faut-il voir les premières esquisses du genre dans la série des Bronco Billy (Gilbert M.Anderson, 1908-1915), où apparaît le type du héros, bientôt fixé avec Tom Mix, justicier tout de blanc vêtu (la série de ses films, initiée en 1913, s’achèvera en 1935) ; puis dans les films de William S.Hart, acteur et réalisateur, avec qui, à partir de 1914, s’inaugure vigoureusement le personnage du badman, directement issu des mélodrames de l’Ouest. De même, les situations-types du western sont explorées par David W.Griffith dès 1911 au moins, avec des films souvent pris dans le mélodrame avant de déboucher sur des épisodes de la conquête de l’Ouest [11].

Le western muet explorera ces trois directions : le héros monolithique, les drames de conscience du badman, ou les épopées collectives, superproductions à la gloire des convois de pionniers (The Covered Wagon/La caravane vers l’Ouest, James Cruze, 1923) ou de la construction des chemins de fer (The Iron Horse/Le cheval de fer, John Ford, 1924). Vers la fin du muet on voit apparaître des films qui réussissent à s’extraire de cette tripartition (Three Bad Men/Trois sublimes canailles, John Ford, 1926) mais dans l’ensemble, les années 1930 prolongeront la situation du muet : la production se répartit entre les films de série B (petits budgets, dépassant rarement une heure, au schéma très répétitif centré autour d’une vedette spécialisée dans un rôle de justicier), les biographies légendaires des aventuriers du Far West, et les epics spectaculaires, - la série B étant de loin la plus abondante.

L’année 1939 relancera l’intérêt pour le western, notamment avec Stagecoach (La chevauchée fantastique) de John Ford, qui vient faire la preuve des capacités artistiques du genre en en redisposant les différents éléments : un héros de série B (John Wayne) infléchi du côté du badman, un scénario combinant divers épisodes traditionnels dans l’unité d’un itinéraire moral, et surtout une caractérisation des personnages telle que les types (que le film fixe définitivement, dans un éventail presque complet) apparaissent pour la première fois pleinement capables de “faire monde”, c’est-à-dire de porter en même temps la crédibilité d’un personnage et la vérité d’une idée. La leçon de Stagecoach ne tarda pas à être entendue : la période 1939-1941 fut artistiquement faste pour le western. (C’est peut-être, à strictement parler, le seul véritable moment “classique” du genre, si on entend par classicisme la capacité de faire œuvre d’art dans une utilisation sans torsion des règles esthétiques.)

Mais à l’entrée en guerre des Etats-Unis correspond une brusque récession du western, quantitative et qualititative. Le seul film important des années de guerre est aussi un grave échec commercial : The Ox-Bow Incident (L’étrange incident) de William Wellman (1943) prend en effet les Etats-Unis à rebrousse-poil en désignant le danger fasciste tapi au cœur même de l’Amérique profonde et de ses cowboys trop pressés de pendre l’étranger qui passe innocemment par là. The Ox-Bow Incident met fin à la sérénité classique, et ouvre la période “moderne” du western, caractérisée par un assombrissement de la tonalité exaltante propre au genre, qui peut aller jusqu’à côtoyer le pathétique (Duel in the Sun/Duel au soleil, King Vidor 1946, qui renoue avec le mélodrame), voire le tragique (Pursued/La vallée de la peur, Raoul Walsh 1947, aux allures de tragédie grecque). Il semble que les cinéastes prennent pleinement conscience des possibilités offertes par le western : il n’y s’agit plus seulement de faire référence au passé historique, mais de traiter, dans ce cadre, des questions du temps. Il suffit pour cela d’introduire des variations plus ou moins importantes dans la typologie. C’est ainsi que le héros deviendra de plus en plus ambigu, de plus en plus indistinct du badman, comme on voit chez Anthony Mann [12], mais aussi bien chez Ford, dont les films vont, plus radicalement encore, vers une destitution du héros au profit du collectif [13] - leçon que retiendra Budd Bœtticher, dont les westerns épurés ont la beauté des démonstrations mathématiques ; les femmes prendront de plus en plus d’importance (jusqu’à prendre le devant de la scène, comme dans Johnny Guitar [14]) ; un nouveau type s’impose, souvent en variation de celui du badman, le personnage du très jeune homme, emblème de l’immaturité du pays, et symétriquement opposé à un héros atteint par le vieillissement et la mort ; la réflexion sur le genre sera de plus en plus présente [15], dans la conscience de son crépuscule [16], et l’américanité deviendra de plus en plus une question.

Dans cette perspective, ce sont probablement les Indiens qui bénéficient le plus spectaculairement de ces transformations : après la période faste du pré-western, ils étaient devenus moins que des personnages, - des éléments du décor, partie intégrante de la nature sauvage qu’il fallait conquérir, au besoin par la destruction, pour imposer la civilisation. C’est l’époque naïve du western, où tous ces concepts sont ingénuement brandis pour justifier la Conquête en toute bonne conscience. Avec la période moderne est arrivé le trouble, c’est-à-dire au fond l’idée que le peuple ne doit pas penser dans les termes de l’Etat. Les films inauguraux qui réhabilitent les Indiens, et les réintégrent dans la dignité de personnages, sont Devil’s Doorway (La porte du diable, Anthony Mann 1949) et Broken Arrow (La flèche brisée, Delmer Daves 1950). Toute une série suivra, qui imposera au genre que les Indiens soient traités à égalité (renouant ainsi avec l’attitude de Griffith), et culminera avec Cheyenne Autumn (Les Cheyennes, 1964), dernier western de Ford, et Little Big Man d’Arthur Penn (1970).

La fin des années 1950 et le début des années 1960 voient l’apogée et la fin du western. On pourrait soutenir qu’il était incompatible avec la guerre du Vietnam et ses conséquences (ce que contredirait Rio Lobo de Hawks [1970], où les allusions sont nettes). Plus largement, c’est le système des genres et l’esthétique hollywoodienne tout entiers qui sont saturés, comme c’est le propre de toute esthétique. Que cette saturation soit contemporaine du déclin d’une politique est le signe d’une époque qu’on laissera aux philosophes le soin de nommer. On n’en tirera en tout cas aucune conclusion sur une quelconque transitivité de la politique à l’art. Il est clair que le système des genres ne produit plus aujourd’hui que des œuvres académiques, et que les genres ne sont plus que des parodies d’eux-mêmes. Sans doute le western ne pouvait-il plus traiter, dans ses propres termes, la question qui lui était échue ; il lui est apparemment devenu impossible de délivrer davantage que les “messages” de l’opinion : à l’Ouest, plus rien de nouveau, que ce soit dans l’écologisme pompier auquel on fait servir les malheureux Indiens (Danse avec les loups) ou dans le néo-classicisme “vieux-croyant” de Clint Eastwood.

L’esthétique passe, mais l’art demeure : c’est ce que les articles qui suivent veulent montrer. Nous n’avons certes pas essayé de faire un panorama du western, ni même de ses œuvres-clefs, mais de proposer, selon un choix guidé par le seul goût de chacun, quelques études sur des films dont l’art nous paraît aujourd’hui (et peut-être davantage qu’à leur époque) moderne, c’est-à-dire éternel.

Notes

[1Cf Alain Badiou, "Le cinéma comme faux mouvement", L’art du cinéma n°4

[2Outre un déni de l’existence possible d’artistes parmi les cinéastes américains, il y a là une fusion complète entre le cinéma et l’Etat, comme si aucune pensée ne pouvait exister en dehors de l’Etat, et en dernier ressort, comme s’il ne pouvait exister de peuple américain.

[3Dans ce cas, il ne saurait y avoir de disjonction entre forme et "contenu", puisqu’il ne s’agit pas d’une pensée préalablement élaborée qui serait ensuite exprimée ou mise en forme : c’est la forme elle-même qui est la pensée.

[4Ce n’est pas ici le lieu de développer une critique de la politique des auteurs : nous y reviendrons une autre fois. Mais disons tout de suite qu’à la conception du film comme objet, elle substitue un sujet largement imaginaire, l’auteur, ce qui finit en réalité par réinstaurer une forme d’objectivation de l’œuvre d’art, conçue comme expression d’une personnalité.

[5Voyez les fameux " mémos" ( notes de production) du producteur David O. Selznick, dont une sélection a été publiée sous le titre Cinéma (Ed. Ramsay Poche).

[6Pour filer la métaphore : les genres sont aujourd’hui des langues réduites à une expression sclérosée, qui ne donnent plus lieu qu’à des films caricaturaux, pures et simples répétitions des règles du genre, - ou des langues mortes, que n’entendent plus que les érudits.

[7Voir Northwest Passage (Le grand passage), King Vidor 1940). Mais on constatera que les films " de Cavalerie" sont rarement pris tout entiers dans cette situation unique.

[8Raison et tort" ? - En vérité, il n’y a pas de traduction française exacte de ces termes

[9On pourrait dire : s’il ne laisse pas l’opinion morale infléchir son désir. Mais aucun cinéaste digne de ce nom ne prendra le parti de la moralité pour condamner l’entraîneuse. Allan Dwan, dans Silver Lode (Quatre étranges cavaliers, 1954), ira jusqu’à laisser suspendue la décision du héros entre les deux femmes

[10Cf. l’article d’E.Boyer dans ce numéro

[11Cf. ibid. sur The Massacre.

[12Cf l’article d’A. Georges sur The Naked Spur.

[13Cf les articles d’E. Gratadour sur Wagonmaster et de V. Le Bihan sur The Searchers.

[14Cf l’article d’A. Fiolet.

[15Cf l’article d’E. Lépine sur L’homme qui tua Liberty Valance.

[16Cf l’article de Ch. Foulon sur Ride the High Country.