Que ta joie demeure (Denis Côté, 2014)

par Charles Foulon

Que ta joie demeure montre le travail tel qu’il est, fait de bruits, de gestes, de regards, de lumière et d’ombre. Les usines sont montrées pour ce qu’elles sont : fermées. On sera toujours à l’intérieur. On verra l’extérieur par les fenêtres. Mêmes les pauses sont à l’intérieur, ce qui donne l’occasion pour le cinéaste de construire un calme, des portraits de gens qui travaillent et qui deviennent beaux. L’usine est montrée comme complètement séparée du monde circulant, social, commercial, et en même temps, on la ressent comme au centre de tout : les ouvriers construisent le monde, l’assemblent, le nettoient, ...

On se met à penser à toute action manuelle, aux corps pensants des ouvriers. Et surtout, on assiste à la construction d’un bonheur simple, celui de travailler, d’aimer faire du bon travail. On voit la précision de ceux qui travaillent à la chaîne.

Peu à peu, à partir des deux tiers du film, une fiction s’entremêle au milieu des gens, avec les gens. On ne sait pas très bien qui est acteur, qui ne l’est pas. Il y a un conte africain sur la joie du travail, la joie sérieuse, celle qui regarde avec lucidité le monde. Il y a une jeune femme qui cherche du travail. Il y a un ouvrier qui devient déprimé, qui se demande ce qu’il veut vraiment. Il y a Que ta joie demeure de Bach.

Le début est drôle, on nous invite à venir dans l’usine, dans cet espace clos, comme si on nous invitait à l’amour, dans le respect, la confiance. Un humour très fin empêche le film de tomber dans l’idée d’un monde qui disparaîtrait. Pas de désespoir, que du présent bien vivant.

Réjouissant.